Notre TDAH dans un monde idéal  serait-il un trouble ou une différence ?

On peut lire quelque fois, ici et là, que le vrai problème du TDAH, ce n'est pas le TDAH lui-même, mais l'ensemble des facteurs environnementaux. Ce qui rend le TDAH difficile à vivre, c'est tout ce qui l'entoure. Dans une société 100% inclusive, on imagine qu'il n'y aurait plus de TDAH.  
Il y a dans cette affirmation autant de choses justes que de points discutables. Le TDAH c'est un trouble qui touche environ 5% de la population mondiale. Vivre dans un monde meilleur ne l'effacerait pas. Sans doute que ça le rendrait plus supportable, mais ça ne l'éradiquerait pas, parce qu'on ne change pas un cerveau dont la structure est différente. Quand on a un TDAH, on nait avec et on meurt avec. Et il en sera toujours ainsi.

Après mon diagnostic, je me suis souvent demandé si ma vie aurait été différente si j’avais pu bénéficier d’un accompagnement adapté tout au long de ma scolarité. Est-ce que j’aurais été moins cabossée si j’avais grandi dans un environnement familial plus sain ? Peut-être. Sûrement même. Mais je ne peux pas attribuer l’intégralité de mes difficultés aux seuls facteurs environnementaux. Le TDAH, à lui seul, représente déjà un poids, en tout cas pour moi. J’aurais probablement eu une chance sur deux de m’en sortir, comme une chance sur deux de ne pas y arriver. La vérité, c’est que personne ne peut rien en savoir. Ce qui est affreusement dur à reconnaître, c'est que si je n'avais pas eu l'éducation stricte que j'ai reçue, je ne serais ni ponctuelle, ni rigoureuse. Ma ponctualité et ma rigueur sont présentes par anxiété d'anticipation. J'ai une trouille monstre de ce que l'on pourrait penser de moi si j'étais constamment en retard, ou constamment maladroite. Parce que certaines personnes avec un TDAH fonctionnent à l'urgence, cette éducation ultra rigoriste m'a permis de me cadrer sur au moins ces deux aspects.
Pourtant c'est bien là, le danger. Parce que quand on sait ça, il n'est pas rare d'entendre des personnes dire: "Et bien, si tu es efficace seulement quand tu te sens menacé·e, j'ai donc parfaitement le droit de te tyranniser.
Qu'une personne avec un TDAH fonctionne correctement dans l'urgence n'implique absolument pas qu'elle doive être malmenée. Malheureusement, c'est une pensée qui commence à s'installer. 

Parce que notre cerveau TDAH est constamment en quête de dopamine, il peut rechercher l’intensité émotionnelle jusqu’à s’accrocher à des relations ou des situations toxiques, simplement pour ressentir un “pic” de stimulation. J'appelle ça le "shoot d'intensité". Ce besoin biologique de nouveauté et de récompense immédiate est forcément lourd de conséquences parce qu'il nous expose à des prises de risques , à des comportements impulsifs et à une réelle vulnérabilité face aux dépendances ou aux environnements destructeurs.
Les conséquences sont lourdes : la population TDAH présente un risque significativement plus élevé d’accidents, de comportements addictifs, et même de mortalité prématurée par rapport à la moyenne.
Cette quête incessajte de dopamine, bien loin d’être un simple trait de caractère d'une personne instable et capricieuse, est le reflet d’un déséquilibre neurobiologique qui façonne le quotidien et fragilise la santé physique et mentale. 
Si on se demande si ce déséquilibre serait stable dans un monde plus équitable, je dirais que la réponse est bien plus complexe qu'un simple oui ou non. Les facteurs environnementaux aggravent les difficultés du TDAH, déjà bien lourdes. Mais vivre dans un monde plus inclusif permettrait de les rendre plus gérables. 

Pour ma part, je suis encore en pleine exploration de mon propre trouble, et c'est un réapprentissage très douloureux. Je navigue constamment entre le besoin vital de sécurité et la soif de liberté. Satisfaire l’un implique inévitablement de sacrifier une part de l’autre. 
Je sais aussi que je ne peux pas me contenter d’une vie figée, et parfaitement cadrée. J’ai besoin que les choses bougent, évoluent. Pourtant, un changement brutal du type déménagement ou événement imprévu peut violemment me fragiliser. Malgré tout, j'ai l'envie de voir mon environnement se transformer sans cesse. Chez moi, aucun objet ne reste plus d’un mois à sa place : je réarrange tout, parce que ne rien voir de neuf m'ennuie
J’adore marcher. Je pourrais le faire chaque jour, si seulement j'avais la possibilité de faire un chemin différent chaque jour. Dès que la nouveauté disparaît, je m'ennuie, et je cesse de marcher. Je sais que j’ai besoin d’être libre, de ne rien avoir qui m’enchaîne. Mais cette liberté, reste une notion floue, un peu ineffable. Elle ne m’aide pas à définir quel chemin de vie ou quels projets je pourrais réellement emprunter. Notre système actuel ne me laisse pas la place d’exprimer pleinement cette quête de liberté. Je suis remplie d’envies et d’élans : aider, créer, innover. 
Pourtant, ces désirs manquent de contours précis, parce que je dois tout réapprendre; ma vie, mes relations, mes forces et mes limites.

Si nous vivions dans un monde plus inclusif, est-ce que j’en serais là aujourd’hui ?
Honnêtement, je ne le pense pas. Parce que mon TDAH me pousse à désirer et à ressentir des choses qui dépassent parfois les limites du possible. Mille fois, j’ai ressenti ce besoin viscéral de sortir de mon propre corps, d’expérimenter ce que personne ne peut atteindre. C’est peut-être pour cela que certain·es d’entre nous se réfugient dans la drogue, la créativité, l’imaginaire, ou les sports extrêmes. Le TDAH, c’est peut-être cette envie de se sentir encore plus vivant·e, de vibrer toujours plus fort.
Écrire cet article, faire vivre ce blog, le partager, attendre avec impatience vos réactions : c’est aussi une façon de nourrir cette intensité insatiable. Plus on me lit, plus j’ai envie d’écrire, de partager, d’échanger. Le TDAH vibre dans ces excès, mais il a aussi besoin des autres pour les amplifier, les faire exister, les partager. Toujours avec authenticité.

Et vous, sous quelles formes ressentez-vous ce besoin de nouveauté, d’intensité ou de sensations fortes ?




Commentaires

  1. C'est probablement horrible de dire que vous avez eu de la "chance" d'avoir eu une éducation stricte, cela vous a permis d'avoir un cadre, de faire preuve de ponctualité, de rigueur. Je me mets en action au dernier moment alors c'est du stress et je ne pense pas que cela me permet de donner ou de faire du "bon travail", j'en arrive même à faire des tâches que je déteste faire (rangement, ménage) alors que ce n'est pas la priorité.
    Diagnostic posé à 52 ans (il y a 4 mois) et le MPH n'a pas l'air efficace (medikinet très mauvaise tolérance, palpitations +++ ; Ritaline LP n'a pas l'effet escompté 😢)

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    1. Attention, je précise bien plus loin que cette méthode d'éducation stricte que j'ai eue est toxique et qu'elle amène à des dérives dans les relations. J'aurais peut-être dû expliciter davantage, mais merci de me le signaler.

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