L'après diagnostic, entre amertume et soulagement
J'ai eu mon diagnostic du TDAH fin 2023, la veille de mes 37 ans, donc.
Quasi 40 ans d'errance psychologique et médicale pour enfin comprendre enfin que j'ai un TDAH, mais aussi intégrer que dans ce TDAH, il y a énormément de points handicapants qui ne se limitent pas qu'à la maudite trinité, inattention, hyperactivité et impulsivité. Par exemple, depuis mon diagnostic, j'ai compris qu'avoir un TDAH, ça englobe plein de choses comme faire tomber des objets. Toute mon enfance, j'en ai cassé des tasses, des assiettes, des verres...
Une maladresse motrice que j'ai attribuée à la dyspraxie mais que la prise du traitement a réduite de manière significative. (même si le soupçon de la dyspraxie reste)
Mon plus gros cauchemar quand j'étais gamine, c'était quand on me demandait d'aller chercher un objet qui se trouvait dans une autre pièce parce que trois fois sur quatre, je ne le trouvais jamais. Il pouvait être sous mes yeux, je ne le trouvais pas non plus. Chaque fois que je demandais de reformuler la question, les personnes perdaient (trop) vite patiente. Parce que oui, j'ai déjà eu des paires de baffes pour ça. J'ai même eu des coups de martinet.
Alors pendant des années, j'ai développé un mécanisme d'hypervigilance mais également de fuite. Je mettais tout en oeuvre pour m'extirper des situations où on pouvait me donner une quelconque consigne à l'oral. Mais c'est un exemple parmi tant d'autres.
Il s'est passé un an et demi depuis mon diagnostic et puisque tout le monde adore minimiser le besoin, ou plutôt, l'urgence que ça peut être d'avoir un diagnostic avec le classique:
"- Mais qu'est-ce que ça va changer que tu aies un diagnotic?", je vais me permettre un petit rappel.
Le diagnostic du TDAH, ce n'est pas une super étiquette Panini qu'on a envie de se coller sur la tronche pour se marrer en disant "Hop là, c'est moi que v'la!", au même titre que le TDAH n'est pas un petit trouble tout mignon, tout rigolo dont on peut se passer de savoir si on l'a ou pas.
Je dirais même que lorsque quelqu'un nous demande en quoi ça va changer notre vie de savoir, cela revient à demander à une personne souffrant du trouble bipolaire en quoi ça va changer sa vie de le savoir.
Ne pas savoir si oui ou non, il y a un TDAH, c'est s'exposer à des risques:
- le risque de sombrer en dépression beaucoup plus vite et beaucoup plus fort que les neurotypiques.
- le risque de se mettre en danger avec une attitude impulsive.
- le risque de vivre le burn out plus rapidement que les autres.
- le risque de se retrouver seul·e, isolé·e.
- le risque de tomber dans des addictions potentiellement dangereuses.
Alors oui, certaines personnes avec un TDAH auront développé de tels
mécanismes de compensation tout au long de leur vie que le diagnostic ne
leur sera pas nécessaire. Je ne suis personne pour dire si c’est bien
ou mal. Je dis simplement que le TDAH est un trouble qui n’a rien de drôle,
de fun, de divertissant, et qu’il peut être lourdement handicapant.
Bien sûr, nous n’avons pas toutes et tous la même manière de vivre le
TDAH, mais la réalité des risques qu’il peut causer n’est pas à
négliger. On rappelle que le TDAH n’est jamais seul et qu’il présente
souvent de nombreuses comorbidités, parmi lesquelles on peut se
retrouver ou non :
- trouble anxieux généralisé
- trouble borderline
- trouble bipolaire
- dépression etc.
Donc, l’intérêt de savoir, à l’âge adulte, si oui ou non on a un TDAH, est crucial.
Mon trouble n’a rien de glamour ni de léger, et personne n’a le
droit d’en minimiser la gravité à ma place. Parce qu’une fois qu’on
sait, c’est toute notre existence qui est remise en questi
Non, après le diagnostic, tout n’est pas tout merveilleux, tout rose, tout bonbon.
Parce qu’à presque 40 ans, c’est toute ma vie que je repasse devant moi à
tenter de détricoter tous les mécanismes pervers que j’avais intégrés.
C’est toute une façon d’être et de faire, des
automatismes solidement enracinés que je dois peu à peu dénouer. Et je
ne suis pas certaine d’y arriver complètement. Avoir un diagnostic,
c’est très souvent se retrouver avec toute sa vie complètement remise en
question, et rester planté·e comme un arbre, sans savoir comment
intégrer tout ça, comment changer son quotidien, comment faire pour
reconstruire ce qui a été démoli et déconstruire ce qui a été toxique.
On se débrouille seul·e avec une information aussi forte que celle-là.
On a besoin d’accompagnement spécifique, on le sait, mais c’est à nous
seul·e de le faire, personne ne le fera à notre place. Les démarches qui
ont mené jusqu’au diagnostic ont été éprouvantes, au point qu’on
réalise que le plus dur, c’est l’après-diagnostic. Il y a le traitement,
bien sûr, mais il ne fait qu’une partie du travail. Il y a aussi tout
le travail de mise à jour de son propre mode de pensée, notamment sur
l’auto-critique.
Dans mon cas, le seul pilier solide sur lequel je peux
m’appuyer au quotidien, c’est mon compagnon. Et il est vital. Avoir un
entourage proche, soutenant, aimant, absolument bienveillant est une
condition sine qua non pour reconstruire sa vie, réapprendre à penser,
se considérer et se restructurer. Sans une telle présence capable de vous
accompagner véritablement, la situation ne peut que se dégrader.
Pourtant, même avec un compagnon dont le mode de
fonctionnement, le jugement et la compréhension s’opposent radicalement
aux mécanismes toxiques et pervers que j’ai connus, ces réflexes de
défense et cette hypervigilance n'ont pas disparu.
Ils sont enracinés au plus profond de moi.
On va néanmoins pas cacher que ce nouveau mode de vie est un apaisement certain.
Je parviens enfin à écouter mes signaux internes, à ne plus m’user à
réprimer mon TDAH.
Vivre avec quelqu’un qui me permet d’être authentique, sans devoir
masquer ou inhiber mes symptômes, est un soulagement indéniable. Et je sais que malheureusement, beaucoup de personnes fraichement diagnostiquées n'ont pas cette chance.
Si aujourd'hui, j'ai un élément stable dans ma vie, je reste quand même face à un énorme chantier à refaire. Et j'en ai sûrement pour de longues années avant de pouvoir bâtir quelque chose d'à peu près stable.
Il y a alors deux difficultés majeures pour beaucoup de personnes avec un TDAH : gérer tout cela, et devoir le faire seul·e.
Il est temps que l’on cesse de nous laisser sur le bas-côté.
Merci pour vos mots que je peux aisément faire miens, diagnostiquée l’année dernière à 54ans, l’après diagnostic est un soulagement et une épreuve au long court 🙏🏻
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