La légitimité du témoignage quand on est une personne concernée par le TDAH


" Du blabla validiste, comme d'habitude avec elle. Suivant. "


Cette phrase, je l'ai lue dans un des groupes Facebook consacré au TDAH dans lequel j'ai partagé mon dernier article. Comme dans tout ce qu'on peut trouver sur les réseaux sociaux, les remarques désobligeantes et sèches sont monnaies courantes. On m'a même dit qu'à partir du moment où je m'exprime en public, je dois m'attendre à des retours donc indirectement, à des retours de ce style. Pour autant, je ne suis pas d'accord. Je refuse de rentrer dans ce jeu, à plus forte raison quand la personne qui a écrit ce message a elle-même le TDAH et qu'elle sait ce que ça quand, avec un TDAH, quand on reçoit ce genre de propos abruptes, sans aucun argument derrière. La liberté d'expression, ça n'est pas l'insulte, ni le sarcasme gratuit sans remise en question. Ce monde est une jungle, mais ça n'est pour autant permis de se comporter comme des sauvages sans penser aux conséquences. Je refuse fermement de m'y soumettre.

Qu’on se le dise, ce blog n’a aucune vocation scientifique. Je suis une personne avec un TDAH, diagnostiquée à 37 ans, il y a un an. Ceux qui ont reçu un diagnostic tardif savent combien cela bouleverse la vie. On revisite toute notre histoire, en repérant les injustices et persécutions qu’on a subies, souvent attribuées à tort à de la paresse ou un manque de volonté. Ça engendre une honte énorme, parfois jusqu’à la honte d’exister. 

La déconstruction, ce long processus de remise en question de ses croyances et conditionnements, prend du temps. 
Alors, quand on ose enfin prendre la parole, en utilisant l’écriture comme seul moyen d’être entendu·e, lire de la part d’autres personnes concernées que nos propos sont validistes, sans chercher à échanger avec nuance, ça fait très mal. Une personne diagnostiquée tardivement doit tout réapprendre, souvent seule. Elle doit déconstruire ses propres jugements, parfois validistes, alors même qu’elle en a été victime. Comment peut-on s’accuser mutuellement avec violence, au lieu de faire preuve de bienveillance et de solidarité pour avancer ensemble?
Je me réveille chaque jour avec ce réflexe d’auto-détestation, cette sensation d’être une plaie dans la société. Je sais que c’est faux, mais personne ne m’aide à déconstruire ce mécanisme.
Concernant mon exemple d’éducation ultra rigoriste, j’aurais dû mieux étayer que cette méthode m’a abîmée. Elle m’a poussée à l’hypervigilance et à une anxiété constante, conséquence d’une sur-adaptation imposée. Je n’ai jamais dit que cette éducation était une bonne chose. 
Ce que j’ai essayé d’exprimer, peut-être maladroitement, c’est que mettre la pression à une personne TDAH, même si elle fonctionne souvent sous urgence, a des conséquences lourdes et durables. 

Plus tard, cette personne a ajouté que je n’apportais rien de nouveau, que les blogs et vidéos sur le TDAH pullulent, et qu’il n’y aurait rien de neuf depuis une quarantaine d'années. Mais il est temps d’arrêter de mépriser les témoignages et les auto-diagnostics. Des générations entières ont besoin de parler, après des années de silence et de sur-adaptation. L’effet cocotte-minute, c’est ça: on est nombreux·ses à ressentir ce besoin urgent de s’exprimer sur nos difficultés, parce que nous avons été trop longtemps invisibilisés. La santé mentale n’est abordée publiquement que depuis peu. Peut-être y a-t-il un effet de mode ou une forme de glamourisation, je ne sais pas si cela explique tout. Ce que je constate, c’est que la santé mentale n’est plus un sujet tabou : la parole se libère, et je pense que c’est vitale. Non, cela ne fait pas quarante ans qu’on en parle : cela fait trop peu d’années, et il faudra encore longtemps pour sensibiliser, répéter, faire de la pédagogie. Nos voix doivent continuer de s’élever.

Accueillons aussi les maladresses des témoignages, que ces maladresses liées à notre subjectivité soient justement la preuve que ces personnes-là, lâchées dans la nature après leur diagnostic, ont sérieusement besoin d'être accompagnées et sécurisées. Pas d'être blâmées. 


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