Les pseudosciences sont le terrain de jeu parfait pour les dérives sectaires.
J'ai passé quelques années dans le milieu new age. N'adhérant à aucune religion, je voulais me tourner vers une spiritualité "neutre". Avec le courant New Age, tout était parfait: pas de Dieu, pas de cultes. Juste une pensée libre, presque laïque.
Mon sujet préféré c'était les EMI (expériences de mort imminente). Sujet étudié depuis des décennies mais devenu ultra tendance dans les années 2010. J'ai dévoré tous les livres qui en parlaient, en plus d'avoir une croyance en la vie après la mort.
J'ai entre autre lu Stéphane Allix, J-J Charbonnier, Patricia Darré, Olivier Chambon, etc.
La liste est longue. J'ai rapidement repéré des propos incohérents et inquiétants.
Dans un de ses livres, une journaliste se présentant comme médium aborde des thématiques telles que la vie après la mort, l'existence de 'l'au-delà', ainsi que l'idée selon laquelle nos âmes choisiraient, avant de naître, la vie dans laquelle elles s'incarneront. Déjà difficile à accepter — car cela implique que si on a une vie de merde, ce serait un choix fait avant notre naissance — un chapitre en particulier vient enfoncer le clou.
Ce chapitre, pour résumer, énonce que, si certaines personnes se suicident, cela ferait partie de leur programme de vie, ou mission de vie. A cette lecture, j'ai eu un soubresaut.
Deux ans plus tôt, une personne très proche de moi s'était donnée la mort, et moi-même j'ai été sujette à de grosses crises suicidaires tout au long de ma vie. Ma pensée immédiate a été:
"Pour d'autres personnes psychologiquement plus fragiles que moi, comment ce genre d'affirmation peut-elle être accueillie ? "
C'était mon premier warning. Mais comme je suis une gentille fille et que je ne m'arrête pas à une seule lecture maladroite, j'ai continué de lire. J'ai fait des "Waouh!" à chaque lecture de témoignages des médiums et d'expérienceurs (c'est le nom qu'on donne aux personnes ayant vécu des EMI).
Le New Age, c'est une jolie vitrine. Seulement, son intérieur est bien sombre. Le plus sournoises, ce sont les disciplines qui cherchent à s'apparenter aux sciences alors qu'elles n'en sont pas. On les retrouve à côté des cabinets de vrais praticiens. Elles vont jusque dans les hôpitaux et peuvent paradoxalement être conseillées par des médecins. Quand on parle des pseudosciences, il s'agit des pratiques qui ne font l'objet d'aucune étude scientifique. C'est à dire que n'importe qui peut exercer ces disciplines. Il s'agit, entre autre, de la naturopathie, la sophrologie, la kinésiologie, la nutrithérapie. La liste est non-exhaustive. Le développement personnel est également lié aux pseudosciences, car il utilise lui aussi des techniques qui ne sont pas validées par la science, tout en ayant un jargon pseudo-scientifique pour donner du poids et de la crédibilité à ses propos. Il suffit qu'on emploie des mots complexes pour que l'on y donne du crédit.
Le problème, c'est que le New Age a des proximités très étroites avec la culture de la méritocratie. Il repose beaucoup sur la responsabilité individuelle pour changer le collectif. Selon lui, notre vision du monde influence notre état. Nous sommes, en gros, responsables de ce que nous ressentons et que si nous allons mal, bah c'est de notre faute. Et dans le cas où ça ne l'est pas, c'est quand même notre faute parce qu'il faut considérer toute épreuve comme une opportunité afin d'évoluer. Évoluer, c'est le mot récurrent dans ce milieu. C'est là que les gourous sévissent. Ils sont Monsieur et Madame tout le monde et entretiennent les personnes fragiles dans leur mal-être. Vous allez mal? C'est parce que vous n'avez pas assez médité, pas assez lutté contre votre mental, vous êtes une personne dominée par votre ego. L'ego, cette chose immonde que vous devez tuer, en apprenant à lâcher prise. S'il ne fallait retenir que trois mots utilisés jusqu'à l'ivresse par le New Age, ce serait ceux-là: évoluer, lâcher-prise, l'ego. Trois dans la liste bien longue du vocabulaire New Age.
On fait quoi avec ça maintenant ?
On prend conscience que ce ne sont pas seulement des disciplines si innocentes que ça auxquelles on peut adhérer en compléments de soins conventionnels.
Parce que même si certaines personnes pratiquant des médecines douces sont sincères et convaincues de l'efficacité de leurs disciplines, les fondements de ces pratiques ne le sont pas.
Un exemple personnel et subjectif: j'ai consulté une énergéticienne il y a près de huit ans en complément de ma psychothérapie. Nous parlions de mes tics et je lui disais que je sentais au fond de moi que jamais ils ne partiraient. J'ai plusieurs tics moteurs et un vocal depuis ma plus tendre enfance.
Cette énergéticienne me disait qu'elle m'aiderait à m'en débarrasser. Quand je lui ai signifié que je savais que c'était impossible, sa réaction a été de me dire:
"- Tu te mets des barrières."
Cette maladresse aurait pu élargir le manque de confiance en moi à ce moment-là. Le poids d'une culpabilité énorme, une voix harcelante en moi qui me dirait: "T'as vu? T'es même pas volontaire pour stopper tes tics, vraiment, secoue-toi un peu!"
Or il s'avère qu'il y a maintenant deux ans, j'ai consulté un neurologue et que le diagnostic a été sans appel: j'ai le syndrome de Gilles de la Tourette.
Voilà pourquoi s'en remettre à des médecines alternatives peut être dangereux. On peut tout aussi bien se dire qu'il suffit d'avoir un minimum de recul et de tester ces disciplines en connaissance de cause et sans aucune attente. Le problème est que ces disciplines touchent tout autant les personnes ignorantes que les personnes non ignorantes. Il suffit que vous soyez dans un moment de vulnérabilité — un deuil, une rupture amoureuse, la perte d'un job, l'isolement social — pour que ces disciplines vous mettent en danger.
Il est déjà arrivé qu'on me dise que les gens savent que les pseudosciences ne se substituent pas à la médecine, mais d'un autre côté, beaucoup se détournent justement de la science pour aller du côté des médecines douces. La période du Covid a amplifié le phénomène. D'ailleurs, peut-on réellement se permettre de leur laisser le droit de se dire comme faisant partie de la médecine ? Et médecine douce, ça veut dire quoi ? Que la vraie médecine est une médecine dure ?
En moins d'un an, mes diagnostics de Tourette et de TDAH ont apporté des réponses claires à toutes les questions que je me posais depuis toujours, des réponses que le New Age n'a jamais su m'apporter malgré 16 années passées à me laisser bercer par ses illusions. Je peux m'estimer heureuse car je ne suis pas une victime collatérale de ce milieu. D'autres y vont jusqu'à perdre la vie.
Le doute est toujours quelque chose qui m'a animée.
"Et si je me trompais sur ce que j'ai appris, sur ce en quoi je crois ?"
C'est une question que j'ai jamais cessé de me poser, quand bien même je désirais ardemment ne pas me la poser. A partir du moment où je me voyais rentrer dans des certitudes, cette petite voix intérieure a toujours résonné.
Le doute est sain. La remise en question est vitale, et se doit d'être régulière.
L'emprise exercée par une discipline aux dérives sectaires, tout comme celle d'une personne toxique, ne se limite pas aux individus vulnérables ou naïfs. Bien souvent, les victimes sont des personnes intelligentes et solides, mais un moment de fragilité suffit pour que cette emprise s'insinue insidieusement dans les failles générées par leurs blessures. En fait, il faut garder à l'esprit que personne n'est à l'abri.
Pour aller plus loin, voici quelques liens à consulter:
° Podcast Meta de Choc
° Rapport de la Miviludes (2021)
° Les dérives sectaires