Il y a quelques années, j'ai regardé les premières saisons de la série "Orange is the new black" qui tourne autour de la vie de femmes détenues.
Ce visionnage avait réactivé en moi un questionnement vieux de plusieurs années, à savoir:
est-ce qu'un criminel cesse d'être un être humain dès lors qu'il commet son crime?
La réponse est loin d'être aussi simple. Le problème, c'est que lorsque l'on lit des articles dans le cas de crimes sexuelles et/ou de féminicides, il y a une trop grande considération pour les coupables et presqu'aucune pour les victimes.
Longtemps, je me suis questionnée sur ce qui motive un être humain à commettre l'innommable.
Quand ça arrive, on lui souhaite la prison à la vie, sa mort sociale, voire sa mort tout court.
Et quand la personne sort de prison, qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'elle y a appris ? A-t-elle seulement compris? L'a-t-on aidée à éviter d'aller en prison? Et quand elle sort, comment l'aide-t-on à réapprendre son retour dans le monde des vivants ?
Et les victimes? Les entend-on? Prend-on la peine de les écouter ? Les soutient-on? Comment les aide-t-on à reprendre leur souffle, à leur rendre justice? Les aide-t-on à réapprendre à vivre, à aimer, à refaire confiance en l'Autre ?
Qui sont ces humains qui détruisent des vies? Qu'est-ce qu'il s'est passé? Suffit-il de les nommer comme des monstres et d'en rester là, ou bien ne vaut-il pas mieux prendre le mal par la racine? Quelqu'un qui a été proche de moi aux premières années de ma vie a fait du mal à une enfant. Après la colère et le dégoût sont venues d'autres questions. Cette personne est sortie de ma vie depuis des décennies, mais je ne peux m'empêcher de penser, depuis que je sais ce qu'elle a fait:
"Pourquoi?"
Quand quelqu'un commet un crime, la pensée animale de la haine envers le criminel demeure humaine. Si on détruit ceux qui me sont les plus chers, j'aurai cette réaction animale. Mais après? Que fait-on de ces humains qui ont merdé ? On leur souhaite la mort? Et ensuite, une fois qu'ils sont morts, qu'est-ce qu'il se passe ? On souhaite la mort du suivant qui a commis la même horreur ? On fait quoi de ce qui pousse ces hommes à devenir des monstres alors qu'ils sont humains comme nous le sommes ? Et qu'est-ce que ça raconte de notre propre noirceur? Quelles sont nos propres erreurs et nos propres noirceurs? Sommes-nous mieux? Et en quoi? De quoi pouvons-nous nous vanter ?
Parce que ces personnes-là, ce sont des gens ordinaires. Nos parents, nos amis, nos voisins, notre entourage. Des gens qui mènent une vie ordinaire, semblable à la nôtre. Ils ne sont pas différents de nous. Comprendre ce qui amène une personne à commettre l'innommable, ce n'est pas l'excuser, c'est chercher quels sont les paramètres à prendre en compte, pour éviter que d'autres drames se reproduisent. Il existe une justice restaurative, elle est nécessaire, mais est-ce que cela peut suffire ?
Notre monde est malade. Le système de domination tel qu'il est, est le problème. Ne vaut-il pas mieux qu'on en échange entre nous? Qu'on apprenne à s'asseoir, et en parler ensemble? Avec humilité.
Qui sommes-nous pour juger? Quelle est notre place dans le jugement ?
Et surtout, jusqu'à quel point peut-on se permettre l'empathie et le désir de comprendre les motivations d'un criminel? Où sont les limites de la décence en terme d'empathie? S'indigner, souhaiter le pire, c'est humain. Et normal. Mais ce qu'on fait de ça après pourrait ouvrir les portes d'un questionnement important: comment fait-on pour que ces horreurs ne se reproduisent plus jamais?
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Qui sommes-nous pour juger ?
• J'ai un TDAH, et je vous emmerde •
Voilà, dit comme ça, je suis sûre de capter votre attention.
Maintenant que toutes les personnes avec un TDAH peuvent enfin sortir du placard, pour la plupart après des décennies de persécution, d'errance et de psychophobie ordinaire, s'il y a bien une chose qu'il m'est devenu impossible de tolérer davantage, c'est l'avis des non concerné·es.
"On a tous des problèmes d'attention", vient rejoindre le classique "Mais on est tous un peu autistes", ou encore le "Mais on est tous un peu bipolaires".
Vous avez passé des années à vous battre pour rentrer dans le moule, sans succès, vous avez claqué des centaines d'euros dans les diagnostics, commencé le médicament, êtes reconnu·e comme travailleur·se handicapé·e, et malgré cela, il y a les non concerné·es (ou bien des TDAH et/ou souffrant·es de troubles psys qui s'ignorent) qui viennent se planter devant vous pour vomir en pleine figure le florilège d'inepties suivant:
"Ton TDAH, c'est pas une excuse. On a tous un TDAH, on est tous déconcentrés, on est tous inattentifs, on est tous... on est tous... cherche pas d'excuse pour justifier ta flemme, tu t'inventes des histoires pour te rendre intéressant·e, etc".
Vous savez, le plus chouette quand on a reçu un diagnostic, bien après le soulagement d'enfin savoir ce qui nous pourrit considérablement la vie depuis qu'on est en âge de ne plus chier dans sa couche, c'est que tous les mécanismes de sur-adaptation qu'on avait mis en place pendant des décennies pour ne pas faire trop de vagues, pour essayer un tant soit peu de ressembler aux gens normaux, et bien ces mécanismes explosent tous, non pas un à un, mais d'un seul coup.
Et quand ça pète, ça fait quelques petits dégâts. D'un coup, les gens ne comprennent plus pourquoi on cesse de se justifier, de s'écraser, de se ratatiner devant eux. D'un coup, les gens ne comprennent plus pourquoi on leur balance toute notre rage et notre colère en pleine figure voire que l'on coupe les ponts avec eux. D'un coup, ils ne comprennent plus notre impatience, notre fatigue, nos moments d'égarement qu'on ne leur cache plus. Quand on a passé toute une vie à faire semblant d'être normal et à approuver quand on nous disait injustement qu'on avait de sérieux efforts à faire, qu'on n'était rien d'autres que des paresseux indignes et involontaires, bousillant au passage des années de confiance en soi et nourrissant les pulsions suicidaires, le masque explose de lui-même. On ne peut plus et on ne sait plus faire semblant.
Je lis ça et là sur les réseaux des gens qui disent ne pas parler de leur TDAH, même après ayant eu un diagnostic, par crainte mais aussi par épuisement, de se prendre chaque jour, comme dans "Un jour sans fin" les mêmes remarques, les mêmes phrases assassines en pleine poire. Chacun·e fait comme cela lui est possible pour continuer de (sur)vivre dans ce vaste monde validité et psychophobe.
Mais je crois que pour ma part, j'ai décrété qu'il était hors de question de fermer ma bouche. Mon diagnostic étant tout frais (un an et demi), je suis encore dans ma période où je me présente de la façon non-exagérée suivante:
"Salut, moi c'est Sarah Belmas et je suis neuroatypique, j'ai un TDAH, une humeur dépressive et un trouble anxieux généralisé. Ah oui, j'ai aussi le syndrome de Gilles de la Tourette, sous sa forme légère, ou plutôt sous la forme non médiatisée parce qu'elle n'est pas assez impressionnante pour les spectateurs."
Je vois venir de loin les haters dire:
"Vous voyez? C'est ce qu'on a toujours dit: ce sont des étiquettes pour se rendre intéressant·e! Elles a pas de vie la pauvre, il faut bien qu'elle s'en invente une."
Tu sais, Jean-Daniel, si j'ai envie de me mettre une étiquette, c'est mon problème, parce qu'il s'agit de ma vie. Si j'ai envie de crier haut et fort que j'ai un putain de TDAH, alors oui, je vais le faire. Pas parce que je me la pète, mais parce que j'ai passé près de quarante ans, soit l'intégralité de ma vie, à vivre dans le noir, et à buter sur tout ce sur quoi je marchais. Ma merveilleuse étiquette a enfin éclairé la pièce. Je peux enfin savoir comment marche le bordel dans ma tête pour tenter, du mieux que possible, de cohabiter avec. Alors, tu vois Jean-Daniel, ce que tu peux bien penser de mon étalage sur la voie publique me passe au-dessus de la caboche.
Tu veux que je te dise ? Si tu es si envieux de mon état, alors va-z-y, prends mon cerveau. Découvre la joie des troubles des fonctions exécutives, les études ratées, les comportements impulsifs à risque, l'humeur dépressive, les crises suicidaires, les addictions, la terreur au ventre chaque jour parce que l'anxiété est un monstre qui ne te lâche jamais, les relations toxiques, et tant d'autres choses que j'ai LA FLEMME de t'énumérer parce que je ne suis pas Wikipedia, Jean-Daniel. Je n'ai pas à faire le travail de sensibilisation pour toi, surtout si tu n'as pas vraiment envie de comprendre pourquoi les diagnostics TDAH explosent. Parce que des Jean-Daniel, il y en a mille à l'année et que j'ai autre chose à faire que de perdre mon temps à sensibiliser les complotistes et en plus, de manière diplomatique. Je ne suis pas masochiste, Jean-Daniel. J'ai déjà ma vie à sauver, je ne peux pas me permettre de prendre soin de ton petit validisme.
Tout au long de ma vie, je me suis dit que les seules possibilités pour moi d'être prise en considération dans mes moments de détresse absolue, c'était de m'envoyer à l'hôpital, de me droguer, de me jeter par la fenêtre et que là, peut-être là, avec un peu de chance, celles et ceux qui étaient censé·es m'aider, m'accompagner se seraient dits:
"Merde, elle a vraiment besoin qu'on l'aide, on ne peut plus ignorer ça."
Mais même ça, je savais que ça ne suffirait pas.
Parce que les blessés, les cabossés, les tandis de naissance ou en cours de route, les personnes souffrants de maladies visibles ne sont pas mieux épargnées. Au mieux on les regardera avec pitié, au pire, on les ignorera. C'est vrai ça, on a déjà tellement à faire avec nos propres soucis.
C'est pourtant vrai.
Chacun·e a ses emmerdes.
Et c'est bien pour ça que c'est difficile d'en vouloir à des personnes spécifiques.
Mais quand on a balancé des appels au secours, crié haut et fort qu'on avait besoin d'aide, qu'on pouvait se sentir s'effondrer, et que personne n'a rien fait, même pas un micro-pas en avant, peut-on dire que personne n'est responsable ? Nous sommes toustes responsables de se laisser tomber. Au même titre que ce qui nous en rend responsables, c'est quelque chose qui a du pouvoir et qu'on commet l'erreur de ne pas regarder. Ce quelque chose qui a du pouvoir fait tout pour nous rendre haineux les un·es des autres.
Dans un monde où chacun hiérarchise les douleurs, celles du deuil, celles du handicap, celles de la maladie, celles des traumatismes, comment on peut laisser sa place aux personnes qui ont un handicap invisible ? Je marche sur mes deux jambes, mais mon cerveau et mon âme ne fonctionnent pas comme notre beau petit monde capitaliste voudrait que l'on fonctionne. (Ah oui, j'ai aussi la maladie auto-imune de Hashimoto, encore une autre étiquette!)
Ajoutez à cela d'être assignée femme à la naissance. Déjà qu'être femme, c'est la garantie que toutes nos souffrances seront complètement ignorées, alors celles liées au TDAH et ses commorbidités...
Chaque jour, je le sais, j'entendrai des Jean-Daniel, qui ne sont ni psychiatres, ni neurologues, ni neuropsys, dire que mon TDAH est une invention de Big Pharma, un trouble à la mode et que je ferai mieux de fermer ma gueule, mais je voudrais juste dire à tous les Jean-Daniel que non, je ne la fermerai pas ma gueule, et que je vais brailler. Je vais brailler haut et fort toute ma colère, parce que je n'ai plus rien à perdre. Je suis chaque jour sur le fil du rasoir, à ne pas savoir si j'aurai envie ou non de me réveiller le lendemain.
Alors bien évidemment, Jean-Daniel, que je vais continuer de parler de mon TDAH, de m'en plaindre, de raconter ce qu'il me fait subir, et je continuerai à défendre toutes les personnes qui seront éreintées de devoir se justifier de souffrir d'un handicap. Quoique tu en dises, quoique tu en fasses.
J'ai un TDAH et je vous emmerde.
Ce cri du coeur est le mien mais aussi celui de toutes les personnes qui n'ont plus la force de le faire parce qu'elles sont encore suffisamment détruites pour ne pas y parvenir.
Pour suivre mon travail:
Portfolio • Instagram • Journal d'une TDAH(ieuse)
Dédiaboliser la vulnérabilité
Rappel:
Cet article est la résultante d'une opinion subjective et non l'énumération de faits certifiables. Tout ce que vous lirez ne fait pas office de vérité absolue. Je suis un être humain qui exprime sa vérité, sa perception subjective du monde.
Bonne lecture.
Mes mots vont être assez durs mais j'ai besoin de les exprimer.
Je pense que l'on pousse les gens au suicide. On ne s'attarde jamais sur les causes des souffrances. Nous ne regardons pas assez les gens autour de nous, ni même ne sommes assez attentifs aux signes, à ces détails de souffrance qui transpirent chez l'autre, pour peu que ça soit perceptible. Se demande-t-on sincèrement comment on va ? Et puis, comment peut-on se soucier de savoir comment vont les autres si l'on ne sait pas soi-même comment on va ?
Si je ne me connais pas assez, ni ne suis pas assez attentive à mes émotions, mes propres douleurs, comment puis-je être attentive à celles des autres ?
Et puis, comment est-on attentif à soi ?
Je pense que ça commence dès l'enfance. Apprendre à l'enfant,son enfant, à reconnaître ses propres émotions, les rendre valides, légitimes d'exister, c'est essentiel pour que cet humain en construction sache se connaître, voire se reconnaître.
Je crois avoir déjà dit que le risque de comportement suicidaire est bien plus élevé chez les personnes avec un TDAH Je l'évoque d'ailleurs rapidement dans ma petite BD "Journal d'une TDAH(ieuse)".
Le suicide, c'est encore l'un des nombreux tabous subtilement entretenus dans notre société. J'aime bien entendre un peu partout des spécialistes rappeler que, maladies psychiques ou pas, une personne sur cinq sera concernée par les pensées suicidaires au moins une fois dans sa vie. 3 suicides sur 4 sont commis par des hommes. Dans les années 2000, je lisais une étude estimative qui disait qu'à partir de 2020, le suicide serait la deuxième cause de mortalité dans le monde.
La santé mentale des jeunes a davantage dégringolé ces cinq dernières années. Et il reste encore des gens pour blâmer la jeunesse de ne rien faire, de ne pas se motiver pour travailler. Faire l'autruche et délibérément nier le problème sanitaire dans lequel on nage est un défaut humain indécrottable.
Nier les inégalités sociales, les souffrances individuelles est ce que l'humain sait faire de mieux. Il est plus facile d'attaquer les conséquences de la souffrance que les origines. Si tu vas mal, c'est ta perception de ton épreuve qui la rend difficile. Change d'état d'esprit et tout ira mieux. C'est résumé grossièrement mais c'est ce que l'on subit tous dans notre belle société capitaliste et c'est entretenu aussi à travers les discours new age. Culpabiliser les gens en les rendant responsables de leurs souffrances et de leurs "échecs", les pousser à se dépasser, tout pour ne pas remettre en question un monde qui ne s'adapte pas, qui n'est pas équitable, pas égalitaire, pas assez humain, qui ne répartit par les richesses. Tout ce qui sort d'une norme sociale pré-établie n'a pas le droit d'exister.
Rares sont les premières tentatives de suicide qui débarquent sans prévenir, même si elles existent aussi. Il y a eu des signes de détresse auparavant, des tentatives ratées. Et d'autres cas où on n'a rien vu venir. À qui en vouloir de ne rien voir ? Une personne ? Plusieurs ? Ou bien faut-il à en vouloir à tout un système, une société défaillante ? La réponse est complexe.
Dans les années 2010, on vivait l'ère de la pensée positive. La joie à outrance, avec interdiction de la moindre négativité. Cette pensée positive devenait une injonction au bonheur. Si tu vas mal, c'est de ta faute. Si le monde tourne mal, ce n'est pas lui le problème. Tu ne souffres pas d'inégalité sociale, ni de validisme, ni de psychophobie. Non, tu n'es pas niée dans tes souffrances. Le vrai problème, ce n'est pas ça. Le vrai problème, c'est comment toi tu vas réagir à tout ce que tu te prends dans la figure. Si tu réagis mal, si tu souffres, ça n'est pas ce t'a envoyé la souffrance en pleine figure le problème, c'est toi. Tout dépend de ta réaction. Ne prends rien mal, tu es plus forte que ça. Si tu réagis mal, c'est ton égo, il faut que tu surpasses ton égo. Si tu as des problèmes de santé, c'est l'univers qui te rappelle que tu es sorti de l'essentiel, c'est une épreuve qui doit t'en apprendre sur toi. Et au diable ces histoires de génétique, de facteurs environnementaux. C'est toi qui te crées des problèmes.
* Ironie *
C'est vrai ça, après tout, les traumatismes liés aux violences sexuelles, conjugales, familiales, le rejet social, la solitude, tout ça n'est pas la faute d'un système, c'est la faute de la victime, toujours. Dans le fond, quitte à aller aussi loin, les personnes nées avec un handicap lourds ou bien, les enfants à l'autre bout du monde qui meurent sous les bombes, peut-on aussi dire que c'est un peu de leur faute tout ce qui leur arrive ? N'ont-ils pas commis l'erreur de laisser leur égo les dominer ?
Le plus dur dans cette histoire, c'est de se dire que c'est impossible d'en vouloir à des personnes spécifiques. Parce que ces mêmes personnes sont elles aussi victimes d'un système qui les pousse à se détruire et à détruire les autres. Les victimes peuvent devenir des bourreaux. Si nous sommes dans un monde qui n'a eu de cesse d'avancer dans le "progrès", il n'y a aucun progrès sur la question de la compréhension des émotions, les nôtres comme celles des autres.
Sur ces questions-là, je pense que nous en sommes encore à l'ère préhistorique.
Je ne m'exempte pas d'avoir peut-être fait partie de ces personnes qui n'ont rien vu, rien entendu de la souffrance des autres. Si je suis victime d'un système qui a fait que 95% de ma vie a été assaillie de pensées suicidaires, je ne suis pas toute blanche. Probablement que mes propres souffrances m'ont empêchée de voir celles des autres. Et peut-être que les personnes qui n'ont pas été capables de m'aider étaient, pour certaines d'entre elles, assaillies par leurs propres douleurs. La pureté n'existe pas. La pensée binaire n'existe pas. C'est loin d'être aussi simple. Notre humanité est faite de failles, de contradictions, de retours en arrière, de remises en question, de jugements de valeur, d'erreurs.
On fait quoi de ça, me diriez-vous ?
La réponse toute faite n'existe pas. Mais on peut commencer à voir ensemble les pistes à explorer.
Quand est-ce que vous avez demandé sincèrement à une personne comment elle va pour la dernière fois ? Pas le "ça va" traditionnel dont on se fiche de la réponse, mais le vrai "ça va?" qui impliquera de vous asseoir quinze, voire vingt minutes, de temps à temps, pour écouter. Juste écouter. Parce que très souvent, j'ai remarqué que les gens ne veulent pas forcément qu'on leur donne de solutions. Ils veulent souvent qu'on les écoute, qu'on les considère, et qu'on leur rappelle qu'ils sont légitimes dans leur chagrin, leurs injustices. Ils ont besoin qu'on leur dise: "je te crois", " je t'entends", "c'est injuste ce que tu vis", "je suis tellement triste pour toi", "tu me touches". Ça, c'est la première étape; être dans l'empathie et la reconnaissance de ce que vit l'Autre.
Ensuite, on peut commencer à envisager de trouver une solution. Mais on ne peut pas survoler ce que ressent une personne.
Fuir les émotions des autres, n'est-ce pas une manière de fuir les nôtres ?
Je pense que notre monde ne laisse pas assez de place à l'intime, voire à notre profonde vulnérabilité. Pas tellement parce que cette vulnérabilité ouvrirait la porte aux abus, mais parce que cette vulnérabilité ainsi exposée ne ferait que révéler notre profonde humanité. En quoi cela est-il mal d'être vulnérable ?
Pour commencer à changer ce monde, probablement faut-il envisager de regarder en face sa propre vulnérabilité. Ensuite, serons-nous sûrement capables de pouvoir reconnaître celles des autres et d'en prendre soin.
Qu'en pensez-vous ?
° Croire, quand on est neuroatypique °
Je voulais continuer ce blog en parlant des spécificités du TDAH, notamment à travers mon expérience personnelle, mais j’ai envie d’aborder quelque chose qui me chiffonne encore : la foi.
Ou plutôt, le fait d’avoir des croyances. Comme je l’ai dit dans un précédent article, la religion, ou les religions, n’ont jamais trouvé d’écho en moi. Gamine, j’ai grandi athée par défaut. Ma pensée et mon imaginaire se sont structurés autour d’apprentissages scientifiques. J’étais fascinée par le corps humain, le squelette, le cerveau, la mécanique d’un corps qui fonctionne en totale autonomie. Il n’a jamais été question de foi. À la maison, personne n’en parlait et à l’école non plus. Et pourtant, dans les années 90, la foi était encore bien plus présente qu’aujourd’hui. Il restait des résidus de croyances.
Puis, à l’adolescence, j’ai fait mes recherches, j’ai développé mon intérêt seule, sans influence extérieure.
Pendant longtemps, les EMI (expériences de mort imminente) m’ont fascinée. Pour être honnête, avec mon TDAH, elles sont devenues une obsession. L’une des rares hyperfixations qui perdurent encore aujourd’hui.
Pendant longtemps aussi, les EMI ont été un mystère, attisant une certaine excitation d’avoir — peut-être — la preuve que notre conscience subsiste après notre mort. Parce que, gamine, le néant me terrifiait. D’abord pour moi-même. Plus tard, il me terrifiait pour celles et ceux que je m’apprêtais à voir mourir avant moi.
Puis, il y a eu des études qui, récemment, commencent à expliquer les EMI avec des arguments factuels. En gros, notre cerveau, au moment où nous mourons, est hyperactif et se concentre pour faire en sorte que notre transition vers la mort se passe de la manière la plus douce possible. C’est, je crois, ce qui se passe quand le cerveau manque d’oxygène, comme quand on se noie. Le manque d’oxygénation, arrivé à son paroxysme, fait ressentir à ce moment-là un bien-être intense qui rend la mort moins insoutenable. En gros, notre cerveau nous protège du traumatisme existentiel de la fin macabre.
Alors oui, il est possible que les choses soient aussi « simples » et factuelles que cela.
Pour autant, est-ce que cela doit invalider les croyances et la foi des un·es et des autres ? Non. Pourquoi ? Parce que, scientifiquement parlant, il est prouvé que la foi fait du bien au cerveau. Certaines croyances rassemblent les gens, leur permettent de créer du lien et, quand la foi est bien comprise et non pas mal interprétée, il en résulte un véritable désir de partage et d’amour. Amour au sens noble et vaste du terme.
Chez une ou deux personnes que j’ai rencontrées — l’une protestante et l’autre musulmane — il m’est arrivé de ressentir que leur foi leur faisait répandre une forme d’amour presque maternelle, au point que ça m’en a troublée. Une manière d’aimer semblable à celle d’une mère. Un amour inconditionnel ?
Il y a ce que la science explique, et il y a ce qu’elle n’explique pas. Ou tout du moins, pas encore.
Ce qu’elle prouve, en revanche, c’est que tout ce qu’il y a autour de nous n’est que pure magie. L’immensité de l’univers, les atouts incroyables d’espèces animales, la beauté du vivant, de la nature… tout cela est une preuve évidente de la richesse de ce qui est.
Si nous sommes le fruit du hasard, c’est quand même un beau hasard.
Si notre conscience était dans le néant, et qu’elle en surgit au moment où l’ADN de nos parents se rencontre pour ensuite disparaître à notre mort, cela reste un hasard... troublant. Ou pas.
Hergé aimait citer Nietzsche et sa phrase célèbre : « Les convictions sont des prisons. »
Les certitudes absolues sont un danger. La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien.
Et s’il y a des choses qui s’expliquent de manière pragmatique, il y en a aussi d’autres qui recèlent du mystère, et qui ne peuvent pas se limiter à une explication scientifique seule.
Toutefois, en l’état actuel des choses, seule la science peut expliquer une immense partie des phénomènes. Le reste n’est que spéculation.
Et c’est le mélange entre la spéculation et le factuel qui est un danger — pas le fait de croire.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Pour aller plus loin:
° Une étude révèle pourquoi notre cerveau simule des vision de l'au-delà pendant une mort imminente.
https://lanature.ca/2025/04/07/une-etude-revele-pourquoi-notre-cerveau-simule-des-visions-de-lau-dela-pendant-une-mort-imminente/item/5-les-neurotransmetteurs-des-messagers-qui-creent-lillusion-5
° Voici comment la foi en Dieu dope le cerveau humain
https://www.science-et-vie.com/article-magazine/voici-comment-la-foi-en-dieu-dope-le-cerveau-humain
° Pseudosciences °
Les pseudosciences sont le terrain de jeu parfait pour les dérives sectaires.
J'ai passé quelques années dans le milieu new age. N'adhérant à aucune religion, je voulais me tourner vers une spiritualité "neutre". Avec le courant New Age, tout était parfait: pas de Dieu, pas de cultes. Juste une pensée libre, presque laïque.
Mon sujet préféré c'était les EMI (expériences de mort imminente). Sujet étudié depuis des décennies mais devenu ultra tendance dans les années 2010. J'ai dévoré tous les livres qui en parlaient, en plus d'avoir une croyance en la vie après la mort.
J'ai entre autre lu Stéphane Allix, J-J Charbonnier, Patricia Darré, Olivier Chambon, etc.
La liste est longue. J'ai rapidement repéré des propos incohérents et inquiétants.
Dans un de ses livres, une journaliste se présentant comme médium aborde des thématiques telles que la vie après la mort, l'existence de 'l'au-delà', ainsi que l'idée selon laquelle nos âmes choisiraient, avant de naître, la vie dans laquelle elles s'incarneront. Déjà difficile à accepter — car cela implique que si on a une vie de merde, ce serait un choix fait avant notre naissance — un chapitre en particulier vient enfoncer le clou.
Ce chapitre, pour résumer, énonce que, si certaines personnes se suicident, cela ferait partie de leur programme de vie, ou mission de vie. A cette lecture, j'ai eu un soubresaut.
Deux ans plus tôt, une personne très proche de moi s'était donnée la mort, et moi-même j'ai été sujette à de grosses crises suicidaires tout au long de ma vie. Ma pensée immédiate a été:
"Pour d'autres personnes psychologiquement plus fragiles que moi, comment ce genre d'affirmation peut-elle être accueillie ? "
C'était mon premier warning. Mais comme je suis une gentille fille et que je ne m'arrête pas à une seule lecture maladroite, j'ai continué de lire. J'ai fait des "Waouh!" à chaque lecture de témoignages des médiums et d'expérienceurs (c'est le nom qu'on donne aux personnes ayant vécu des EMI).
Le New Age, c'est une jolie vitrine. Seulement, son intérieur est bien sombre. Le plus sournoises, ce sont les disciplines qui cherchent à s'apparenter aux sciences alors qu'elles n'en sont pas. On les retrouve à côté des cabinets de vrais praticiens. Elles vont jusque dans les hôpitaux et peuvent paradoxalement être conseillées par des médecins. Quand on parle des pseudosciences, il s'agit des pratiques qui ne font l'objet d'aucune étude scientifique. C'est à dire que n'importe qui peut exercer ces disciplines. Il s'agit, entre autre, de la naturopathie, la sophrologie, la kinésiologie, la nutrithérapie. La liste est non-exhaustive. Le développement personnel est également lié aux pseudosciences, car il utilise lui aussi des techniques qui ne sont pas validées par la science, tout en ayant un jargon pseudo-scientifique pour donner du poids et de la crédibilité à ses propos. Il suffit qu'on emploie des mots complexes pour que l'on y donne du crédit.
Le problème, c'est que le New Age a des proximités très étroites avec la culture de la méritocratie. Il repose beaucoup sur la responsabilité individuelle pour changer le collectif. Selon lui, notre vision du monde influence notre état. Nous sommes, en gros, responsables de ce que nous ressentons et que si nous allons mal, bah c'est de notre faute. Et dans le cas où ça ne l'est pas, c'est quand même notre faute parce qu'il faut considérer toute épreuve comme une opportunité afin d'évoluer. Évoluer, c'est le mot récurrent dans ce milieu. C'est là que les gourous sévissent. Ils sont Monsieur et Madame tout le monde et entretiennent les personnes fragiles dans leur mal-être. Vous allez mal? C'est parce que vous n'avez pas assez médité, pas assez lutté contre votre mental, vous êtes une personne dominée par votre ego. L'ego, cette chose immonde que vous devez tuer, en apprenant à lâcher prise. S'il ne fallait retenir que trois mots utilisés jusqu'à l'ivresse par le New Age, ce serait ceux-là: évoluer, lâcher-prise, l'ego. Trois dans la liste bien longue du vocabulaire New Age.
On fait quoi avec ça maintenant ?
On prend conscience que ce ne sont pas seulement des disciplines si innocentes que ça auxquelles on peut adhérer en compléments de soins conventionnels.
Parce que même si certaines personnes pratiquant des médecines douces sont sincères et convaincues de l'efficacité de leurs disciplines, les fondements de ces pratiques ne le sont pas.
Un exemple personnel et subjectif: j'ai consulté une énergéticienne il y a près de huit ans en complément de ma psychothérapie. Nous parlions de mes tics et je lui disais que je sentais au fond de moi que jamais ils ne partiraient. J'ai plusieurs tics moteurs et un vocal depuis ma plus tendre enfance.
Cette énergéticienne me disait qu'elle m'aiderait à m'en débarrasser. Quand je lui ai signifié que je savais que c'était impossible, sa réaction a été de me dire:
"- Tu te mets des barrières."
Cette maladresse aurait pu élargir le manque de confiance en moi à ce moment-là. Le poids d'une culpabilité énorme, une voix harcelante en moi qui me dirait: "T'as vu? T'es même pas volontaire pour stopper tes tics, vraiment, secoue-toi un peu!"
Or il s'avère qu'il y a maintenant deux ans, j'ai consulté un neurologue et que le diagnostic a été sans appel: j'ai le syndrome de Gilles de la Tourette.
Voilà pourquoi s'en remettre à des médecines alternatives peut être dangereux. On peut tout aussi bien se dire qu'il suffit d'avoir un minimum de recul et de tester ces disciplines en connaissance de cause et sans aucune attente. Le problème est que ces disciplines touchent tout autant les personnes ignorantes que les personnes non ignorantes. Il suffit que vous soyez dans un moment de vulnérabilité — un deuil, une rupture amoureuse, la perte d'un job, l'isolement social — pour que ces disciplines vous mettent en danger.
Il est déjà arrivé qu'on me dise que les gens savent que les pseudosciences ne se substituent pas à la médecine, mais d'un autre côté, beaucoup se détournent justement de la science pour aller du côté des médecines douces. La période du Covid a amplifié le phénomène. D'ailleurs, peut-on réellement se permettre de leur laisser le droit de se dire comme faisant partie de la médecine ? Et médecine douce, ça veut dire quoi ? Que la vraie médecine est une médecine dure ?
En moins d'un an, mes diagnostics de Tourette et de TDAH ont apporté des réponses claires à toutes les questions que je me posais depuis toujours, des réponses que le New Age n'a jamais su m'apporter malgré 16 années passées à me laisser bercer par ses illusions. Je peux m'estimer heureuse car je ne suis pas une victime collatérale de ce milieu. D'autres y vont jusqu'à perdre la vie.
Le doute est toujours quelque chose qui m'a animée.
"Et si je me trompais sur ce que j'ai appris, sur ce en quoi je crois ?"
C'est une question que j'ai jamais cessé de me poser, quand bien même je désirais ardemment ne pas me la poser. A partir du moment où je me voyais rentrer dans des certitudes, cette petite voix intérieure a toujours résonné.
Le doute est sain. La remise en question est vitale, et se doit d'être régulière.
L'emprise exercée par une discipline aux dérives sectaires, tout comme celle d'une personne toxique, ne se limite pas aux individus vulnérables ou naïfs. Bien souvent, les victimes sont des personnes intelligentes et solides, mais un moment de fragilité suffit pour que cette emprise s'insinue insidieusement dans les failles générées par leurs blessures. En fait, il faut garder à l'esprit que personne n'est à l'abri.
Pour aller plus loin, voici quelques liens à consulter:
° Podcast Meta de Choc
° Rapport de la Miviludes (2021)
° Les dérives sectaires
Qui sommes-nous pour juger ?
Il y a quelques années, j'ai regardé les premières saisons de la série " Orange is the new black " qui tourne autour de la v...
-
Voilà, dit comme ça, je suis sûre de capter votre attention. Maintenant que toutes les personnes avec un TDAH peuvent enfin sortir du plac...
-
D ernièrement, je suis arrivée à un point de saturation en ce qui concerne les réseaux sociaux. J'ai subi du harcèlement en ligne, pou...